Stato d’innocenza. Adamo, Eva e la filosofia politica medievale (Etat d’innocence. Adam, Eve et la philosophie politique médiévale), Carocci, Rome, 2017 (en italien).
Si on pense à la chute d’Adam et Eve, les grandes fresques sur le péché originel et sur les premiers parents, chassés chassé du paradis terrestre sont les premières choses qui viennent à notre esprit, et il faut absolument considérer cette histoire en terme de mythe ou fable. Il y a, cependant, d’autres choses à découvrir : la chute des ancêtres a été conçue pendant de nombreux siècles, et même durant la modernité, comme le préambule de la compréhension de la nature humaine, de ce moment en proie aux passions antisociales. Que serait-il advenu de notre cohabitation si Adam et Eve n’étaient pas tombés, s’ils étaient restés dans l’état d’innocence ? C’est la remarquable question contrefactuelle que les philosophes, les théologiens et les intellectuels se sont posé, pas pour imaginer un monde perdu, mais pour mieux comprendre le nôtre. De la rigueur d’Augustin aux récits historiques de Ptolémée de Lucques, de l’innovateur Thomas d’Aquin au franciscain Ockham, de Wyclif à Suarez, et bien d’autres, dans un conflit continu et créatif d’idées, de théories, d’images, de positions irréductibles et de toutes nouvelles ouvertures, l’état d’innocence est le lieu paradoxal où on prend conscience de l’ambiguïté de la cohabitation, de l’ambivalence de la politique, du périmètre de la nature humaine. Loin d’être une simple fable, l’état d’innocence est l’un des noms de la réalité.
L’animale politico. Agostino, Aristotele e altri mostri medievali, Salerno Editrice, Rome 2015 (en langue italienne).
L’homme est un animal politique par nature, comme l’expliquait Aristote, parce qu’il est capable d’amitié, besogneux de mettre en commun connaissances, techniques, travail. Mais après le péché d’Adam et Eve – comme le soutenait Augustin – l’homme est soumis aux jacqueries permanentes des passions et des désordres antisociaux. La politique est-elle un remède à la nature ambiguë de l’être humain? Il s’agit d’un vaste débat, qui présente aussi de cas curieux, comme celui du géant Nimrod, ou du peuple des Pygmées, ou de l’orateur sage qui donne vie à la civilisation, ou encore de la cité des femmes.
Marsile de Padoue, Classiques Garnier, Paris 2015 (édition originale : Marsilio da Padova, Carocci, Rome 2013).
L’étude ramène Marsile dans le giron de la philosophie, en donnant une vision philosophico-politique d’en l’ensemble de son œuvre, en lui restituant toute son originalité (qui dérive aussi des interactions avec plusieurs contextes philosophiques, théologiques, littéraires). L’opposition historiographique entre un Marsile républicain et un Marsile fondateur de l’absolutisme est réfutée et dépassée, en montrant comment Marsile affronte des inspirations différentes, comme par exemple l’aristotélisme (maisaussi l’augustinisme et la catégorie ambiguë d’averroïsme politique) avec un projet qui prévoit une véritable anthropologie philosophico-politique et une vision du rapport entre des sujets politiques novateurs. La thèse est que Marsile est vraiment le premier philosophe gibelin, une option que l’histoire de la philosophie écarte en tant que telle mais qu’elle aura à reméditer dans les termes propres de la modernité.
Le pouvoir mis à la question. Théologiens et théorie politique à l’époque du conflit
entre Boniface VIII et Philippe le Bel, Les Belles Lettres, Paris 2016 (édition originale : La questione del potere. Teologi e teoria politica nella disputa tra
Bonifacio VIII e Filippo il Bello, Franco Angeli, Milan 2010).
La définition d’une conscience académique propre trouve dans la dispute entre Boniface et Philippe le Bel un lieu de véritable mise à l’épreuve. Ce nouveau point de vue sur les textes de la dispute a permis d’identifier une étape fondamentale dans la considérationde la “vérité” comme le fruit d’un partage de méthodes et de discussions techniques élaborées à partir de positions antagonistes et il a rendu possible d’éclairer l’élémentplus strictement théologique et philosophique de ces textes. Le livre met en évidence lastructure ecclésiologique du discours politique (Jean de Paris, Gilles de Rome, Jacques de Viterbe), et il éclaire aussi le fondement christologique implicite de ces ecclésiologies. De cette manière, un nouveau modèle de causalité se dégage (un modèle que Gilles et Thomas attribuent au Liber de causis, mais qui résulte en fait d’une relecture audacieuse du texte). Gilles, par exemple, qui fait du pape le garant de l’ordre mais aussi le principe constituant de toute intervention du pouvoir, applique ce principe nouveau, issu de la réflexion sur l’eucharistie – contexte de débat philosophique par excellence – à la politique et à sa propre théorie de la causalité politique.
Il corpo vivente dello Stato. Una metafora politica, Bruno Mondadori, Milan, 2006, en
langue italienne.
Le livre analyse les différentes métaphorisations de l’État comme corps développées du Moyen Âge à l’époque moderne, en particulier par Marsile de Padoue, Machiavel et Hobbes. On trouve déjà, chez Marsile, une interprétation « physiologique » de la communauté politique, c’est-à- dire une nette différenciation des parties et des fonctions de la civitas, toujours liées les unes aux autres et avec les différentes forces qui les animent. La cité peut être étudiée dans son fonctionnement à partir du moment de sanaissance, de la même façon que l’observation d’un embryon en formation permet d’en comprendre le développement. La métaphore du corps en formation est un modèle analogique qui permet de concevoir l’agrégation humaine selon la « syntaxe du vivant » qui unit à la fois les corps et les communautés. Cet horizon médical est exploré avec une sensibilité différente (et un paradigme médical différent) par Machiavel, qui comprend le conflit politique, au centre de ses intérêts, à la lumière de l’équilibre des « humeurs » du corps, liées aussi au mouvement des astres. Hobbes transforme radicalement la métaphore, puisque c’est la notion même de corps qui change, ainsi que l’idée de communauté et le concept de « vivant ».